Offensive coordonnée : chronologie et portée
Le 1er juillet 2025 à l’aube, sept localités du sud-ouest malien — Kayes, Nioro du Sahel, Niono, Gogui, Diboli, Molodo et Sandaré — ont été simultanément visées par des attaques coordonnées revendiquées par le Groupe de soutien à l’islam et aux musulmans (JNIM). C’est la première fois qu’une opération d’une telle envergure est menée de manière synchronisée dans cette région, jusque-là relativement épargnée par les assauts d’envergure.
Les cibles visées incluent des casernes militaires, des postes frontaliers et des points logistiques, dans une manœuvre manifestement pensée pour saturer les capacités de réponse des forces maliennes. Les premières détonations ont été entendues vers 4h du matin ; les combats ont duré plusieurs heures. Des échanges de tirs nourris ont été signalés dans les centres urbains, et des images confirment l’usage d’armes lourdes. À Kayes, des colonnes de fumée ont été observées près du camp militaire et de la résidence du gouverneur. À Nioro et Niono, les FAMa ont repoussé les assaillants après plusieurs heures d’affrontement.
Dans la région de Bafoulabé, trois sites industriels ont été incendiés : la Carrière et Chaux du Mali (CCM), la cimenterie Diamond Cement Mali SA, et l’usine Stonesspécialisée dans les carreaux de marbre. Quatre ressortissants étrangers (trois Indiens, un Chinois) ont été enlevés.
Même si aucune revendication formelle n’a été émise, ces actes s’inscrivent dans la stratégie du JNIM de cibler les opérateurs économiques étrangers.
Le lendemain de l’opération, Mahmoud Barry – considéré comme la principale figure opérationnelle de la Katiba Macina après Amadou Koufa – a diffusé un message vocal en bambara dans lequel il affirme que Kayes et Nioro seront désormais placées sous blocus par le JNIM. Il justifie cette décision par l’intervention directe de civils venus en aide aux FAMalors des affrontements. Selon lui, ces populations ont été averties à trois reprises, et seront désormais considérées comme des cibles légitimes. Ce message marque une inflexion dans la posture du groupe, qui cherche à décourager toute collaboration locale avec les forces régulières, en renforçant la pression psychologique sur les communautés frontalières.
harcèlement logistique et pression psychologique
La simultanéité des attaques sur sept sites suggère un haut niveau de coordination, mais reste fidèle aux tactiques éprouvées du JNIM : tester les capacités de réponse, perturber les chaînes logistiques, et exercer une pression psychologique ciblée sur les populations, les autorités et les opérateurs économiques. Ce type d’opération – que l’on pourrait qualifier de test à large spectre – permet aussi au groupe de jauger la réactivité des forces adverses et d’affirmer sa presence dans une zone peu militarisée.
Malgré l’ampleur du choc initial, les FAMa ont réagi avec rapidité, soutenues par des signaux précurseurs. Des patrouilles renforcées, des fouilles et des check-points avaient été observés à Kayes dans les jours précédents. Si la précision de l’attaque a pu surprendre, la réaction militaire a été immédiatement visible : plus de 80 assaillants auraient été neutralisés selon l’ORTM, des armes et des véhicules saisis, et toutes les positions reprises dans la journée.
Une régulation informelle de l’activité économique
Le JNIM ne cherche pas à conquérir durablement les centres urbains. Son objectif est d’imposer un contrôle symbolique et fonctionnel sur les zones frontalières et les axes logistiques.
L’accent mis sur les infrastructures industrielles et les ressortissants étrangers confirme une volonté d’instituer une forme de régulation informelle de l’activité économique dans les zones considérées comme sous sa phère d’influence.
Ce changement est apparu dès le 7 juin 2025, lorsque le groupe a publié une adresse inédite dénonçant la présence d’opérateurs étrangers non autorisés. Depuis, les actions menées contre les entreprises et les enlèvements ciblés tendent à confirmer l’existence d’une doctrine émergente : imposer une autorisation préalable aux projets, sous peine de représailles.
Dans ce cadre, les corridors économiques (comme Kayes–Diboli–Gogui) et les zones de transit deviennent des leviers de harcèlement, combinant pression militaire ponctuelle et intimidation économique.